Le cimetière médiéval (XIe-XIIIe siècle)

20 / 06 / 2013 | Forum Greid | Bertrand JOLIVET

Cette séance est l’occasion d’aborder pour la première fois dans l’année un schéma notionnel sur un espace : utiliser une représentation géographique pour une question d’histoire permet ainsi de mieux faire appréhender aux élèves le sens à donner aux figurés.

L’entrée en histoire : Société et culture médiévale - Le cimetière médiéval (XIe-XIIIe siècle)

Objectifs notionnels :

Permettre aux élèves d’entrer dans le thème « Sociétés et cultures de l’Europe médiévale » en dégageant les deux axes du thème : le rôle de l’Eglise dans la société et la structuration des communautés rurales.
Ces deux axes recouvrent le double processus de spiritualisation et de spatialisation des relations sociales décrit par Michel Lauwers (Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier, 2005).
Cette entrée permet également de répondre à l’un des enjeux du programme de seconde : « faire sentir aux élèves que des pans du monde du passé ont été « perdus » ou qu’il n’en reste plus que quelques traces ».

Objectifs méthodologiques :

Faire réfléchir sur les sources et les outils de l’historien pour comprendre le passé.
Conduire un raisonnement en histoire : organiser et synthétiser des informations.
Changer de langage : faire construire aux élèves un schéma notionnel à partir de leur compréhension de l’organisation de l’espace.
Cette séance est l’occasion d’aborder pour la première fois dans l’année un schéma notionnel sur un espace : utiliser une représentation géographique pour une question d’histoire permet ainsi de mieux faire appréhender aux élèves le sens à donner aux figurés.

Durée : 1 heure.

Intégration dans les programmes :
Séance introductive au thème 3 du programme de Seconde : « Sociétés et cultures de l’Europe médiévale ».

Modalités d’organisation : utilisation d’un TNI.

Déroulement de la séance :

1er temps : présentation de la thématique – temps professoral et cours dialogué (une dizaine de minutes).
Question guide : Pourquoi étudier cette période ? Quelles évolutions majeures justifient cette étude ?

Document d’accroche (vidéoprojeté) : miniature extraite d’un manuscrit flamand de La Légende dorée de Jacques de Voragine (1228-1298), 3e quart du XVe siècle.

La Légende dorée de Jacques de Voragine (1228-1298), 3e quart du XVe siècle
miniature extraite d’un manuscrit flamand de La Légende dorée de Jacques de Voragine (1228-1298), 3e quart du XVe siècle

Objectif : lecture d’image – faire appréhender la rupture au XIe siècle dans la façon de concevoir les morts.
De la lecture de la miniature, on cherche à identifier que :

  • le cimetière est situé au cœur de l’espace habité ;
  • il entoure l’église.
    Ce mouvement de regroupement des morts accompagne un mouvement plus large de regroupement des populations = naissance des villages puis des villes à partir du XIe siècle.

Document 1 (fiche élève) : Plan du village de Vergoignan (Gers).
Objectif : confrontation de documents de natures différentes => confrontation d’une représentation iconographique avec la réalité topographique => permet d’introduire le travail de l’historien par une réflexion sur les sources et les apports des documents.

On montre que les études sur le terrain (topographie) confirment ce rassemblement des vivants autour des morts.

Transition : formulation de questions :
Pourquoi un rassemblement des morts ? Pourquoi un rassemblement des vivants autour des morts ?

2e temps : En interactivité à partir d’un court travail de repérage d’information des élèves, travail guidé sur document (une vingtaine de minutes).

Document d’étude : document 2 (fiche élève) : Statuts synodaux du diocèse de Cambrai, vers 1245.
A partir des réponses aux questions, on dégage deux idées :
  le cimetière est un moyen de contrôle sur les hommes et sur l’espace (église et cimetière au centre).
(Alors qu’elle s’intéressait peu aux usages funéraires au haut Moyen Age, à partir du Xe siècle l’Eglise fait du cimetière un espace sacré et le seul lieu autorisé de sépulture des défunts = condition du salut de l’âme).
  le cimetière est un lieu de sociabilité communautaire.
On peut faire réfléchir les élèves sur le sens de ces pratiques en insistant sur le rôle actif des morts dans les affaires des vivants comme garants du respect de la tradition. (Cette présence des morts au milieu des vivants prendra fin à partir du XVIIIe siècle lorsque les morts seront reconduits hors des espaces habités pour des raisons d’hygiène.)
On peut insister sur la dimension communautaire en rappelant que les tombes sont faiblement marquées (au plus une croix, mais sans plaque ni inscription du nom) et que lorsque l’espace manque, on retourne la terre et on rassemble les ossements sur un côté du cimetière, sans égard pour les identités individuelles ou les regroupements familiaux.

A partir du repérage des informations, l’analyse critique est guidée par l’enseignant.
Analyse critique : ce document nous informe sur les interdictions posées par l’Eglise.
Que ne nous dit-il pas au sujet de ces interdictions ?
Le fait que l’Eglise pose de tels interdits induit que ces pratiques existaient. Ce document ne suffit pas à savoir si l’interdiction a été efficace ou si ces pratiques se sont maintenues.

On termine l’analyse du document en insistant auprès des élèves sur la contrepartie de la dimension communautaire : l’exclusion de la communauté des excommuniés, des hérétiques, des infidèles, des enfants non baptisés et des suicidés => exclusion du cimetière paroissial (et de la béatitude céleste vers l’enfer).
Double processus inclusion / exclusion (Dominique Igno-Prat).

Conclusion : une double évolution fondamentale :

  • renforcement du contrôle de l’Eglise sur la société (spiritualisation des relations sociales) ;
  • rassemblement des hommes et fixation à un lieu (spatialisation des relations sociales).
    Départ ou bannissement hors du village = rupture avec les ancêtres, sacrilège envers les pères.

3e temps : les élèves sont mis en activité autonome de façon individuelle. A l’issue de ce travail, les élèves mettent en commun leurs productions dans le cadre d’une discussion collaborative (au total, une vingtaine de minutes).

Consigne : Réaliser un schéma en utilisant des symboles porteurs de sens permettant de « lire » dans l’espace représenté les éléments essentiels dégagés dans le cours.

  • Les éléments à faire figurer sont les suivants :
  • le rassemblement des morts en un lieu unique = le cimetière ;
  • le regroupement des populations autour des morts = naissance des villages ;
  • le contrôle exercé par l’Eglise sur les hommes et sur l’espace ;
  • la dimension communautaire du fonctionnement du cimetière ;
  • l’exclusion de la communauté de ceux qui ne respectent pas les préceptes de l’Eglise.
Déroulement
Document d’accroche
Fiche élève
Exemple de réalisation finale

Auteur

Bertrand Jolivet, Lycée Paul Robert, Les Lilas.