Histoire en 3e : les élèves construisent la notion "Résistance(s)

07 / 07 / 2016 | MANCHEC Mylène

Mise au point historiographique.

Dans l’introduction de son ouvrage Histoire de la Résistance, 1940-1945, Olivier Wieviorka écrit que la variété "des actions de résistance" empêche de proposer une définition globale d’un phénomène assurément placée sous le sceau de la diversité et du pluralisme (p 14). Pourtant de grands historiens ont proposé leur définition de ce « phénomène » protéiforme. Pour François Bédarida la résistance se caractérise comme l’action clandestine menée, au nom de la liberté de la nation et de la dignité de la personne humaine, par des volontaires s’organisant pour lutter contre la domination (et le plus souvent l’occupation) de leur pays par un régime nazi ou fasciste ou satellite ou allié. Pierre Laborie, quant à lui, met en avant que ce « phénomène » caractérisé par sa complexité et sa plasticité s’adapte mal à un mode de conceptualisation envisagé comme un corset mal ajusté.
O. Wieviorka retient des critères qui permettraient de cerner les contours de la résistance intérieure française :
 Cette résistance se définit par son action : combattre l’occupant allemand, voire son allié vichyste. Refuser la fatalité de la défaite et affirmer son désaccord avec le régime de Vichy n’est pas suffisant pour définir l’engagement résistant.
 L’action ne peut être dissociée du sens qui l’affecte, il n’y a Résistance que s’il y conscience de résister (P. Laborie).
 La résistance postule la transgression, elle s’oppose de fait à la légalité imposée par le IIIème Reich et Vichy.
L’ensemble de ces critères nourrit une lecture trop restrictive d’un mouvement qui s’est déployé dans toute la France. C’est pourquoi l’historien distingue une « Résistance-organisation » qui ne concerne qu’une très petite minorité de personnes et une « Résistance – mouvement » qui englobe ceux qui ont mené des actions individuelles et ceux qui ont manifesté des actes de solidarité essentiels à la Résistance organisée.
Dans la proposition pédagogique qui suit c’est la « Résistance-organisation » qui servira de fil conducteur menant les élèves à étudier des parcours de femmes résistantes.

Dans les programmes. Objectifs pédagogiques.

Le projet de recherche a été mené dans le cadre des anciens programmes mais il est transposable dans les programmes qui entrent en vigueur en septembre 2016.
Anciens programmes d’histoire. Troisième.
Thème 2 : effondrement et refondation républicaine (1940-1946), la Résistance est abordée à travers l’exemple d’un réseau ou d’un maquis
Nouveaux programmes d’histoire. Troisième.
Thème 1 L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914-1945). Partie consacrée à la France défaite et occupée. Régime de Vichy, collaboration, Résistance.

L’objectif est de faire coopérer les élèves de deux classes de troisième en leur proposant un travail asynchrone et en distantiel. Le projet lie plusieurs domaines du socle commun des connaissances et de compétences.
La maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication. Les élèves ont été amenés à s’approprier un environnement informatique de travail ; ils ont du s’informer et savoir se documenter.
La culture humaniste en étant capable de raconter la vie d’un réseau et de comprendre les valeurs dont se réclament les hommes et les femmes de la Résistance
Les compétences civiques, cette recherche les conduisaient à communiquer et échanger entre eux et avec le professeur.
Les élèves seront en permanence évalués sur
 la ponctualité : respecter les dates de remise des travaux.
 l’autonomie : réfléchir et travailler ensemble, éviter le copier-coller.
 la compréhension des consignes.
 la pertinence des réponses.

Semaine 1 : Un travail préparatoire individuel.

(voir document 1)

Les élèves travaillent seul et en autonomie. Ils prennent connaissance de l’exemple d’un maquis ou d’un réseau et des différentes actions menées par ceux-ci. Les élèves enregistrent le document placé dans Google Drive ou ont obtenu le lien court déposé dans le cahier de texte de la classe, ils répondent aux questions en se documentant sur deux sites internet : http://www.le70e.fr consacré au 70ème anniversaire de la libération de la France (actuellement fermé !) et http://www.museedelaresistanceenligne.org . Les deux sites permettent aux élèves d’exploiter des documents de différentes natures : textes, tracts, affiches, statistiques, vidéo. Ils manient à la fois des sources et étudient des documents élaborés par des historiens.
Les élèves ont ainsi prélevé et classé les informations, cette recherche contribue à faire comprendre à grands traits l’évolution de la Résistance, cette Résistance qui s’avère s’écrire au pluriel : une résistance dans la zone occupée, une résistance dans la zone libre, une résistance intérieure, une résistance de la France libre organisée depuis Londres puis Alger. Au-delà de cette diversité, les élèves ont repéré les points communs de ces résistants : continuer le combat contre l’armée d’occupation. Ils peuvent ainsi repérer certaines des valeurs dont se réclament les hommes et les femmes de la Résistance.

Semaines 2 & 3 : Choisir ses pairs, collaborer et échanger.

(Voir documents 2, 3 et 4)

L’objectif est ici de comprendre la notion de « Résistance(s) » à travers l’étude de parcours individuels féminins. Ce travail se déroule en deux temps.
Premier temps :
Les élèves des deux classes s’inscrivent dans un document mis à disposition sur Google Drive, ils constituent des groupes de quatre ou de cinq en désignant un responsable qui doit assurer la collaboration entre ses pairs et être « agent de liaison » entre le groupe et l’enseignant. Aucune consigne n’a volontairement été donnée pour la composition de ces groupes, le seul impératif étant de respecter la date de fin des inscriptions, deux élèves ont ainsi été affectées dans un groupe qu’elles n’avaient pas choisi.. Sur 11 groupes, 5 faisaient travailler des élèves des deux classes et 6 étaient mixtes. Dans chaque équipe, de manière autonome, les élèves désignent deux binômes ou un binôme et un trinôme et ils choisissent de suivre le parcours d’une des quatre résistantes suivantes :
- Marie-José Chombart de Lauwe
- Colette Périès-Martinez
- Cécile Goldet
- Jacqueline Fleury
Le travail est réalisé à partir du webdoc « Femmes résistantes » consultable sur le site internet du Sénat (http://www.senat.fr/evenement/colloque/femmes_resistantes.html) et fait suite au colloque qui s’y est tenu le 27 mai 2014 dans le cadre de la « Journée nationale de la Résistance ». L’élève responsable reçoit le document de travail, le met en partage, il/elle devra le communiquer au professeur à une date fixée (voir document 2).

L’engagement résistant est présenté au-delà de la Libération puisque la présentation biographique et autobiographique prend en compte les raisons d’entrée en résistance, les dangers de cette résistance en mettant en avant l’expérience quotidienne, l’expérience concentrationnaire et enfin « la vie après la Résistance ».

La mise en partage du document permet de vérifier les dates et heures de connexion des élèves, de corriger instantanément les erreurs ou les inexactitudes éventuelles. Tous les élèves ont suivi le modèle du tableau proposé en partage, sans en dévier ou sans en proposer un autre. L’intérêt est ici de relever, à partir d’un entretien avec la résistante les informations les plus saillantes : les élèves à deux ou à trois mobilisent leur capacité d’écoute et de transcription (voir document 3)

Deuxième temps :
Le travail mené en début de projet et réalisé en autonomie a été corrigé, chaque élève a reçu la version numérique de sa correction et des commentaires inhérents.
Le professeur prépare les consignes pour un travail de restitution collective : chaque chef de groupe reçoit un lien vers Framapad (https://framapad.org/) afin de rédiger, dans le cadre d’une écriture collaborative, une réponse argumentée. Pour mieux guider les élèves dans ce travail, chaque Framapad s’ouvrait sur le message suivant :

Vous avez découvert le parcours de deux résistantes.
Comment fonctionne Framapad qui est un mur d’écriture collaborative ?
1/ Chacun opte pour une couleur (icône en haut à droite) et la conserve cela vous permet de choisir le moment où vous voulez travailler, vous relire et lire le travail du groupe.
2/ Vous pouvez écrire tous en même temps.
3/ Vous disposez d’un « Chat » (en bas à droite), cela vous permet de communiquer entre vous, d’échanger, de poser les questions, de réagir, de demander de l’aide. C’est un espace qui permet de conserver votre mur d’écriture sans qu’il soit envahi de questions diverses.
Voici votre travail.
1/Chaque binôme résume le parcours de la résistante. Vous n’effacerez pas ce travail.
2/Relisez votre travail corrigé sur la Résistance pour cela ouvrez le fichier correction que vous avez reçu.
3/Vous écrivez ensemble un texte qui présente ces deux femmes en montrant : les valeurs qu’elles défendent, les actions qu’elles ont entreprises ainsi que les rencontres qu’elles ont faites
4/ Quels liens pouvez-vous établir entre leur expérience et votre travail de recherche sur la Résistance en France ?
5/ Proposer une définition pour les termes suivants : Résistance et Résistances

L’historique dynamique de Framapad permet de suivre la manière dont les élèves se sont répartis les rôles afin de répondre à une consigne commune, de suivre la mise en place d’une collaboration entre pairs. Certains groupes ont rencontré quelques difficultés qui relèvent plus de la prise en main de l’outil numérique (sans remettre en cause ..) mais n’ont pas remis en cause la qualité du travail (Voir document 4)

Semaine 3 : Evaluer son travail et temps de la restitution.

(Voir document 5)
Avant toute forme de restitution, l’ensemble des élèves a reçu un formulaire à compléter, réalisé avec Google Forms (consultable en cliquant sur ce lien : https://goo.gl/QueLjJ ) qui les interrogeait sur le matériel utilisé pour leurs recherches, le choix de leurs pairs, la prise en main d’outils nouveaux et d’un espace numérique de travail, la facilité ou la difficulté à exploiter les informations relevées par leurs soins. Le sondage a permis d’opérer un retour sur leurs pratiques collaboratives en dehors de toute prise en compte d’un supposé niveau scolaire (Voir document 5). Chaque élève a réalisé des progrès, consolidé des compétences, gagné en confiance.
La restitution du travail a été double : un temps de restitution collective en classe qui permet de dégager les valeurs communes des résistantes et des résistants, de comprendre la diversité des actions menées par les réseaux ou les mouvements de résistance, cette restitution s’est faite sous la forme d’une carte heuristique directement élaborée sur le VPI
Enfin, pour clore le travail il a été demandé aux élèves présenter leur travail à l’oral soit sous forme audio soit sous forme vidéo. Il s’agit ici de travailler les compétences orales en suivant une feuille de route précise mais qui laisse une grande liberté dans la présentation (seule-e, en binômes, ensemble). Les élèves sont capables de se présenter, d’expliquer le travail donné et la manière dont ils se sont organisés. Ils lisent le texte élaboré en commun sur Framapad et sont invités à donner leurs impressions :
 une restitution audio.
 une restitution faite par le chef de groupe qui lit le texte écrit avec ses pairs.
 une restitution collective.