C’était la guerre des tranchées de Jacques Tardi (1993)

03 / 07 / 2019 | Cavelier Antoine

Présentation
C’était la guerre des tranchées est une bande dessinée de Jacques Tardi publiée en 1993. Elle illustre le destin tragique, le banal et mortifère quotidien de plusieurs « Poilus » de la Première Guerre mondiale. Ses nombreuses rééditions et traductions dans de nombreuses langues (anglais, espagnol, suédois…) prouvent son succès. En 2011, sa traduction américaine, It Was the War of the Trenches, a reçu deux récompenses au très prestigieux Prix Eisner dans les catégories « Meilleure œuvre inspirée de la réalité » et « Meilleure édition américaine d’une œuvre internationale ».

Etude
Le titre de l’œuvre C’était la guerre des tranchées résume bien l’objectif de la bande dessinée. L’auteur veut raconter de manière réaliste et générale « la guerre des tranchées », un concept à la fois historique et militaire spécifique à la Grande Guerre.

Cette bande dessinée présente une succession d’histoires singulières et datées de soldats (Binet, Luciani, Faucheux, Lafont, Gaspard, Jean Desbois, Huet, Mazure, Pierre Bouvreuil). Jacques Tardi réalise un panorama subjectif de la guerre des tranchées. Les récits de son grand-père et la lecture des Carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918 (1977) ont fortement influencé l’auteur. Par conséquent, Tardi représente de manière réaliste des « Poilus » avec une inévitable part de fictionnel.

Différents thèmes sont abordés au fil des pages :
 la mise en scène initiale de la guerre (pages 7-10),
 la mort (pages 7-26), les violences (pages 27-30),
 la mobilisation générale et patriotique (pages 31-40),
 les mutineries (pages 41-52),
 les remords (pages 53-71),
 la peur (pages 72-85),
 la perte de repère (pages 86-99),
 le lien entre le front/l’arrière, la participation des femmes au conflit (pages 100-111),
 le bilan humain et mondial du conflit (pages 112-123),
 l’absurdité de la guerre (pages 124-126).

Le dessin est en noir et blanc pour respecter les archives de photographies dans un souci de réalisme. Le style de Jacques Tardi très reconnaissable permet de mettre une distance avec les sujets et de souligner les expressions et les sentiments des personnages.

Ci-dessous, découvrez les pages 7 et 8 de la BD.

Analyse
Jacques Tardi commence son ouvrage avec la phrase « C’était la guerre des tranchées n’est pas un travail d’ “ historien ” » à la page 5. Cette phrase lui permet de présenter directement sa démarche.

« Il ne s’agit pas de l’histoire de la Première Guerre mondiale racontée en bande dessinée, mais d’une succession de situations non chronologiques, vécues par des hommes manipulés et embourbés, visiblement pas contents de se trouver où ils sont, et ayant pour seul espoir de vivre une heure de plus, souhaitant par-dessus rentrer chez eux… en un mot que la guerre s’arrête ! […] Je suis volontairement resté du côté français […] Il est déjà difficile d’imaginer l’état d’esprit d’un jeune homme de 1914… […] Je me suis souvent posé cette question : comment pouvait-on resté là, sous le feu ? […] Je n’ai pas tout raconté car l’entreprise est inhumaine. Depuis les récits de mon grand-père, l’envie de rendre compte de ce début de siècle m’a toujours tenaillé. Je me suis référé à des livres qui m’ont souvent inspiré, servi de point de départ pour un épisode “ romancé ” par mes soins. […] J’ai évité tous les faits “ historiques ” qui ont été depuis longtemps consignés et analysés par des historiens, ou mieux, rapportés par des témoins ; c’est auprès de ces derniers que j’ai plus volontiers puisé certains renseignements. Car il est à noter que les “ chiffres officiels ” sont tous différents d’un ouvrage historique à l’autre. Je n’y étais pas, il m’a fallu m’appuyer sur des récits contestables ou non, certains douteux ou contradictoires : là encore le “ spécialiste ” aura son mot à dire… » .

Pour retranscrire les faits historiques de sa bande dessinée, Jacques Tardi a utilisé de nombreux documents d’archives et d’époque : lettres et carnet de guerre, témoignages de soldats, objets des tranchées, uniformes, armement. Son parti pris pacifiste et son travail littéraire ne l’empêchent pas d’accomplir une retranscription historique assez fidèle. L’apport de Jean-Pierre Verney, grand collectionneur d’objets et de vêtements a été décisif. En outre, Tardi a reproduit le langage et les expressions des soldats des tranchées pour plus de réalisme.

Cliquez ici pour retrouver les objets et vêtements collectionnés par Jean-Pierre Verney et exposés au Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux.

Utilisation pédagogique possible
 Troisième dans le Thème 1 : L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914-1945) ; Chapitre 1 : Civils et militaires dans la Première Guerre mondiale.
 Première générale dans le Thème 4 : La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens.
 Première technologique dans le Thème 4 : La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens
 Première STMG et Première ST2S dans le Thème 2 : Guerres et paix, 1914-1945 ; - L’Europe, un espace marqué par deux conflits mondiaux.
 CAP dans le chapitre 4. Guerres et conflits en Europe au XXe siècle.