Une expérience de TPE mathématiques-géographie en classe de 1ere S

01 / 07 / 2013 | Grimaud Elisabeth

Une expérience de TPE mathématiques-géographie en classe de première scientifique
(lycée Romain Rolland, Ivry-sur-Seine, année scolaire 2012-3).

1- Des TPE centrés sur la construction de cartes par les élèves, un enjeu majeur de l’enseignement de la géographie au lycée

Les supports cartographiques sont de plus en plus couramment utilisés. Les médias notamment font appel quotidiennement à des cartes, de qualité inégale. Elles sont souvent alors utilisées comme « preuves » de réalités spatiales indiscutables afin d’étayer des argumentations, alors qu’elles ne sont que le reflet du point de vue des acteurs qui les ont construites. Cette production importante et croissante de cartes peut être un atout pour la géographie en mettant en lumière un de ces outils majeurs et en suscitant ainsi la curiosité du public pour la discipline. Mais elle implique aussi, encore plus que par le passé, de former les élèves à la lecture critique des nombreuses cartes auxquelles ils seront confrontés dans leur vie d’adulte, de professionnel et de citoyen. Ce nouvel enjeu a été pris en compte dans les récents programmes du lycée général à travers le thème 1 des programmes de terminales ES et L (« Clés de lecture d’un monde complexe ») et la question 3 du programme de l’enseignement optionnel de terminale S (« Représenter le monde »). Il n’y par contre pas de question spécifiquement dédiée à ces problèmes dans le programme de première scientifique.

Une expérience de TPE mathématiques-géographie

Les TPE impliquent l’apport d’une autre discipline. Les mathématiques sont susceptibles d’apporter une contribution très riche à un travail en géographie réalisé avec des lycéens. Tout d’abord cette discipline donne aux élèves les méthodes nécessaires pour traiter de manière pertinente et critique l’outillage statistique de plus en plus utilisé, notamment à travers les SIG, pour approcher les réalités des territoires. Plus globalement, les mathématiques fournissent aux élèves un ensemble conceptuel essentiel pour appréhender des notions-clés de la géographie (distance, répartition, régularité, fréquence, aléatoire / non-aléatoire …). Enfin, la construction d’un certain nombre de représentations cartographiques suppose l’emploi d’outils mathématiques.

A partir de ces réflexions, un projet s’est dessiné à la fin de l’année scolaire dernière. Il a été intégralement conçu et réalisé à quatre mains avec la précieuse collaboration de mon collègue, monsieur Vincent Madiot, professeur de mathématiques que je remercie ici pour sa curiosité envers les sciences humaines, son dynamisme contagieux et son investissement sans faille. L’objet retenu : faire concevoir des cartes à des élèves de première scientifique dans le cadre de TPE mathématiques-géographie.

2- Les principales étapes du déroulement des TPE mathématiques-géographie

Ces TPE ont été introduits par une sortie centrée autour de l’analyse de paysages d’un espace proche du lycée (secteur du port d’Ivry à proximité de Paris). L’objectif était d’attirer l’attention des élèves sur leur territoire de proximité, espace central de la démarche. L’espace proche a en effet été privilégié pour ces TPE car il permet aux élèves de mener une réelle investigation en raison de sa taille limitée et de la possibilité de mobiliser des ressources locales.

Une quinzaine de situations-problèmes, c’est-à-dire de questions autour de la construction de représentations cartographiques impliquant une double réflexion en mathématiques et en géographie, ont ensuite été exposées aux élève.
Les élèves ont élaboré leurs sujets soit à partir d’une situation-problème ayant retenu leur attention soit à partir d’une thématique de géographie locale suscitant leur curiosité.

Du fait de la diversité des sujets proposés par les élèves et validés par les professeurs, et dans une volonté de laisser autant que possible les groupes construire leurs propre parcours de recherche, il n’a pas été proposé aux élèves de démarche-type. Il est cependant possible pour la plupart des groupes d’identifier cinq étapes principales de travail :
 la collecte de données statistiques auprès d’acteurs locaux ou via des SIG
 le traitement statistique de ces données pour en obtenir une lecture éclairée permettant l’élaboration d’un projet de carte
 une production cartographique
 l’analyse de la répartition spatiale du phénomène géographique représenté par la carte
 la recherche de facteurs susceptibles d’expliquer cette répartition
Le travail s’achève en ce moment comme pour tout TPE par la rédaction de la fiche individuelle de synthèse et la préparation des présentations orales.

3- L’apport de TPE mathématiques-géographie pour l’enseignement du programme d’histoire-géographie de première scientifique

Tout d’abord, ces TPE permettent de montrer très clairement aux élèves qu’une carte est une construction intellectuelle élaborée et pas une donnée brute. Cette différenciation essentielle permet l’introduction d’un regard critique sur les cartes abordées ensuite en cours d’histoire-géographie : comment ont-elles été construites ? Par qui ? Avec quels objectifs ?
Ces TPE sont aussi l’occasion de familiariser les élèves avec les techniques cartographiques et ainsi de les préparer à l’épreuve de réalisation de schéma ou de croquis du baccalauréat.

Par ailleurs, le fait de privilégier l’échelle locale dans le cadre des TPE renforce l’approche des territoires proches présente dans le thème 1 du programme de première S (« Comprendre les territoires de proximité »). Dans ce cadre, un certain nombre de notions-clés du programme de géographie de première sont remobilisées.

Un certain nombre de notions-clés du programme de géographie de première sont remobilisées

4- Les limites d’une expérience de croisement disciplinaire avec les mathématiques pour l’enseignement de la géographie

Les TPE se devant par essence même d’être bidisciplinaires, une grande attention a été portée à ce que tous les sujets retenus fassent appel de manière équilibrée aux mathématiques et à la géographie, sans que l’une des deux disciplines ne soit marginalisée, et en particulier sans que les mathématiques ne soient réduites au statut d’outils de calcul à la disposition de l’analyse géographique.
Deux limites peuvent alors apparaître.
  Le premier piège serait de borner la production des élèves et donc leur travail en géographie à la seule réalisation de cartes sans analyse.
  Le deuxième risque est de réduire la dimension sociale de la géographie au profit d’une approche quantitative et modélisante.
Face à ce double écueil, la réponse est probablement à trouver dans une exploitation plus poussée de l’aspect local du travail mené, pour permettre d’approfondir l’analyse géographique et de l’ancrer dans la réalité sociale du territoire. Les élèves ont ainsi notamment été incités pour finaliser leurs démarches à aller à la rencontre d’acteurs locaux, en particulier du monde associatif et de l’entreprise.

Les mathématiques ont cependant fourni aux élèves lors de ces TPE des éléments essentiels pour ouvrir leur réflexion géographique hors des limites habituelles du cours. Par ailleurs, l’apport des mathématiques, discipline où la recherche active des élèves est au centre de l’apprentissage, a été déterminant concernant la manière dont ces TPE ont été conduits en induisant un positionnement didactique un peu différent du professeur d’histoire-géographie. Et c’est sûrement en partie grâce à cela que les élèves ont pu durant ces TPE non seulement apprendre de la géographie mais aussi faire de la géographie.

Bibliographie / sitographie

Références utilisées plutôt lors de la construction du projet et celles utilisées davantage pour l’encadrement du travail des élèves.

Auteur de l’article

Élisabeth Grimaud, professeur d’histoire-géographie