Pacifisme et pacifistes

27 / 04 / 2006
Thème 2 : Histoire

Définition

 Le pacifisme est une notion contemporaine étudiée par E.Faguet en 1908 qui en donne la définition suivante : « doctrine de ceux qui croient à la possibilité d’établir une paix universelle et qui s’efforcent d’en préparer l’avènement ».
 Pour P.Laborie, le pacifisme est un « sentiment collectif, une réaction affective d’angoisse face à la menace d’un nouveau conflit »
 Selon P.Renouvin, les militants pacifistes se sont engagés dans trois voies : refus de participer aux actes de violence, effort pour essayer de supprimer les causes de la guerre, conception d’un régime de « paix par le Droit », fondé sur les règles juridiques et animé par des institutions internationales. D’après J.J.Becker, ses partisans croient au triptyque : « désarmement, arbitrage, sécurité collective » que l’on va retrouver dans « l’esprit de Genève »

Temporalité

 1914 : début de la Première Guerre mondiale, échec des pacifistes de la deuxième internationale pour empêcher le conflit, les partis socialistes européens se rallient à l’Union sacrée au nom de la défense de la patrie. En France, les socialistes Albert Thomas et Marcel Sembat participent au gouvernement d’Union sacrée. Le XXIè congrès universel de la Paix devait se tenir à Vienne du 15 au 19 septembre 1914
 1946 : genèse de l’ONU dont l’une des missions est de favoriser la conciliation et d’empêcher la guerre. L’article 1 stipule : « maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ». L’article 42 prévoit un recours possible à la force : « si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l’Article 41 seraient inadéquates ou qu’elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d’autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies ». « Après l’hécatombe de la Deuxième Guerre mondiale, un consensus s’établit pour penser que la paix est irréalisable sans la volonté des peuples de vivre ensemble. Il débouche sur la construction européenne et la définition de principes et de valeurs partagées universellement (Déclaration des droits de l’homme de 1948)

Problématiques

 La force du pacifisme non seulement en France mais aussi en Angleterre serait responsable du déclenchement de la deuxième Guerre mondiale mais aussi de la défaite française de 1940 ?
 En 1947, Léon Blum déclara devant une commission d’enquête parlementaire : « Nous éprouvions l’horreur religieuse de la guerre ».
 Pour M.Vaisse, « la période 1930-1936 est donc une période d’affaiblissement de l’armée française, due en premier lieu aux difficultés financières et économiques, ensuite à l’instabilité politique, enfin au développement du pacifisme, qui aboutit à masquer les véritables enjeux » Il parle de « dépression pacifiste ».

Contexte

 Le traumatisme de la Première Guerre mondiale a été très important en Europe et plus particulièrement en France qui est le pays le plus touché : 1,3 millions de morts, 600 000 veuves de guerre, 760 000 orphelins, des milliers d’invalides (les « gueules cassées »).
 Au total selon A.Prost, on estime qu’un français sur 5 ou 6 relevait du mouvement ancien combattant. Entre 1920 et 1925, 30 000 monuments aux morts furent érigés en France. La République fait du 11 novembre 1918, une fête nationale, et maintien le culte du souvenir avec le soldat inconnu. Elle élève des monuments commémoratifs nationaux comme le mémorial de Hartmannsviller, l’ossuaire de Douaumont, de Notre-Dame-de-Lorette...

Les acteurs

 Les partis politiques : le pacifisme a traversé tous les partis politiques à droite comme à gauche y compris à l’extrême-droite comme l’Action Française. Le pacifisme a joué un rôle primordial en Europe notamment en France. Il a été au cœur des débats politiques de la période. Y.Santamaria précise : « la rhétorique pacifique est désormais un ingrédient indispensable de l’homme politique en mal d’élection ».
Un enjeu électoral : lors des élections législatives de 1936, en pleine période de tension internationale (remilitarisation de la Rhénanie), le slogan du Front populaire est « pain, paix, liberté ». La SFIO est divisée entre le pacifisme et l’anti-fascisme (opposition entre Blum et P.Faure : « la victoire sur la paix n’est possible que si l’on ne croit pas à la guerre fatale »). Importance du débat autour de Munich : quelle a été l’attitude des partis politiques ?
 Les associations d’anciens combattants. Ce pacifisme se caractérise en premier lieu par la haine de la guerre et le rejet du militarisme. Il existe de nombreuses associations. Les trois plus importantes sont : l’Union fédérale fondée en février 1918, proche du parti radical ; l’Union nationale des anciens combattants (UNC) fondée le 11 novembre 1918 est proche des milieux conservateurs ; l’association républicaines des anciens combattants (ARAC) proche de l’extrême-gauche. Au sein de ces associations, pour A.Prost, le pacifisme l’emporte sur le nationalisme. Dans les années Trente, le mouvement combattant regroupe un quart de l’électorat.
 Au niveau international, il existe d’autres organisations : association républicaine des anciens combattants, 1931 : ligue internationale des combattants de la paix, comité de vigilance des intellectuels antifascistes dit « Amsterdam-Pleyel », la ligue des droits de l’homme. En 1927, Fernand Buisson, président de cette ligue obtient le prix Nobel de la paix.
 Les églises : rôle de Marc Sangnier. Après la fondation du Sillon, en 1912, il lance un parti, la "Ligue de la Jeune République". Pendant la guerre de 1914-1918, il est chargé par Briand d’une mission en faveur de la paix auprès du pape. Député de Paris de 1919 à 1924, il se consacre entre les deux guerres à l’action pacifiste et organise de grands congrès démocratiques internationaux. En 1929, à l’instar de Richard Schirmann en Allemagne, il introduit en France les Auberges de Jeunesse pour rapprocher les jeunes de tous les pays et empêcher la guerre.
 Les syndicats : une partie (ex CGTU), proche du PC sont antimunichois l’autre montre son attachement au pacifisme
 Les hommes politiques : A.Briand reçoit en 1928 le prix Nobel de la paix pour sa politique de rapprochement avec l’Allemagne et la signature du pacte « Briand-Kellogg ». Daladier au nom du refus d’une guerre justifie Munich et L.Blum est pris entre la tentation du combat anti-fasciste et le pacifisme. Il décrète la non-intervention en Espagne
 Les opinions publiques : « force profonde » difficile à appréhender.
Au Royaume-Uni, en 1935, « peace ballot » :
La Grande-Bretagne doit-elle rester membre de la SDN ? 96% de oui
Etes-vous en faveur d’une abolition généralisée des forces militaires terrestre et navales, par un accord international ? 90% de oui
Si une nation menace d’en attaquer une autre, les autres nations doivent-elles s’entendre pour la forcer à s’arrêter par des mesures économiques, non militaires ? 86,8% de oui
Dans le même cas, par des mesures éventuellement militaires ? 56,8% de oui

En France, premier sondage de l’IFOP. En 1938, après Munich. 57% des sondés sont satisfaits. Quelques mois plus tard, 70% refusent toute nouvelle concession à l’Allemagne. En 1939, 76% des sondés répondent positivement à propos de l’opportunité du recours à la force en cas de mainmise allemande sur Dantzig. Face à Munich, les divisions à l’intérieur des partis vont apparaître. Entre Munich et août 1939, selon J.F Sirinelli, on assiste à une « décrue pacifiste ».
 Sous Vichy, certains pacifistes vont collaborer avec le nouveau régime, d’autres vont rejoindre la Résistance

Les sources

 Littérature : récits de la guerre et dénonciation de la guerre par des intellectuels qui se sont parfois engagés.
H.Barbusse, le Feu, Prix Goncourt, 1916. Engagé volontaire. Ouvrage qui fut vendu à 2000 000 exemplaires
E.Remarque, A l’ouest, rien de nouveau, 1929, 500 000 exemplaires
Georges Duhamel, Vie des martyrs (1917), Civilisation (prix Goncourt 1918) Roland Dorgelès, Les croix de bois (1919), Ernst Jünger, Orages d’acier, 1920.
Alain (proche du parti radical), Mars ou la guerre jugée, 1921 ». Engagé volontaire Il fut gravement blessé en 1916.
Roger Martin du Gard en 1936 dans le dernier tome des Thibault : « Tout plutôt que la guerre ! Tout ! Tout même Hitler, plutôt que la guerre ».
J.Giraudoux, La guerre de Troie n’aura pas lieu (1935)
J.Giono en 1937. En cas de guerre : « Devenir allemand. Pour ma part, j’aime mieux être allemand vivant que français mort »
 Cinématographie : 1937 : la Grande Illusion de Jean Renoir et J’accuse d’A.Gance, en 1937. Le héros Diaz rescapé de la Grande Guerre jure d’empêcher que survienne une nouvelle guerre. A.Gance dédia ce film aux « futurs morts de la guerre de demain ».
 Les relais d’opinion notamment la presse : dès 1936, apparaissent les premières colombes dans l’iconographie
 Les textes d’intellectuels signent des pétitions pour la paix mais aussi contre les coups de force d’Hitler

Les notions

Pacifisme, pacifiste

Les supports

Extrait d’un roman sur la Guerre ou étude d’un monument aux morts
Peace Ballot ou sondage IFOP
Programme du Front populaire
Discours de Daladier devant d’anciens combattants ou de Briand à la SDN lors de l’entrée de l’Allemagne à la SDN
Extraits du film La grande illusion de J.Renoir
Charte de l’ONU
Article 6 des statuts du tribunal de Nuremberg
Déclaration des droits de l’homme de 1948
Convention européenne des droits de l’homme, 4 novembre 1950

Bibliographie

Les grands romans de la Guerre de 14-18, omnibus, Paris, 1994
Santamaria Y, Le pacifisme, une passion française, Armand Colin, Paris, 2005
La guerre au XXe siècle, documentation photographique. 1- L’expérience combattante, n° 8041- 2- L’expérience des civils, n° 8043

Programme

Thème général. « Guerres et paix »
Questions A -L’Europe au cœur des grands affrontements : les bouleversements territoriaux liés aux deux guerres mondiales, les totalitarismes contre les démocraties, les génocides
Sujet d’étude : on montre la diversité du pacifisme, les problèmes qu’il rencontre, son influence

Rachid AZZOUZ. IA-IPR