Etudier l’évolution du technopôle de Montpellier avec remonterletemps.ign.fr

15 / 03 / 2023 | Schon Alexandre

Étude de cas : L’évolution d’un espace productif – le technopôle de La Pompignane (Montpellier)
Contextualisation
Cette activité s’inscrit dans le Thème 1 de Géographie du programme de troisième générale, chapitre 2 : « Les espaces productifs et leurs évolutions. ». L’enjeu de ce chapitre est de faire comprendre aux élèves certains éléments de prescrits tels que :
 les processus de mondialisation, d’urbanisation et des dynamiques comme la construction communautaire à contraint les espaces productifs créateurs de richesses et leurs territoires à opérer des adaptations multi-scalaires ;
 ces transformations, parfois brutales, les conduisent à opérer des stratégies d’innovation, de développement, de reconversion face à des activités émergentes puis en déclin. Le programme nous incite ainsi à opérer deux études de cas d’espaces productifs parmi les suivants : espaces à dominante industrielle, agricole, touristique ou d’affaire, avec un choix large à l’appréciation du professeur (quartier d’affaire, district ou pôle industriel, technopôle, zone industrialo-portuaire (ZIP), région agricole, espace touristique, et y montrer leurs performances et atouts ;
 des acteurs spatiaux développent des stratégies multiples, dont du marketing territorial, afin de se valoriser et se connecter aux réseaux de la mondialisation vue ici au sens de Laurent Carroué (2006) : l’extension du système capitaliste à échelle mondiale ;
 des relations de compétitions, voire de « coopétitions » entre territoires s’opèrent pour tenter de se transformer et s’adapter pour se connecter aux réseaux de la mondialisation

Les notions mobilisées dans ce chapitre sont pour certains des réactivations des acquis déjà vues en classe de quatrième : processus de mondialisation et d’urbanisation. Mais un travail plus approfondi autour de notions comme le technopôle, la glocalisation ou le marketing territorial est mené dans durant ce chapitre. Nous avons fait le choix pour ce chapitre de sélectionner deux études de cas : un technopôle (le parc d’activités de la Pompignane, au nord-est de Montpellier), puis une zone industrialo-portuaire (Marseille, afin de montrer les transformations urbaines multiples afin de s’adapter et se connecter à la mondialisation : flux maritimes, mais aussi flux informationnels à travers l’implantation des datacenters et autres câbles internet sous-marins nombreux). Notre fiche descriptive présente l’étude de cas de Montpellier dans un travail autour de l’outil numérique en ligne « Remonter le temps » produit par l’Institut Géographique National (IGN).

Notons pour terminer que cette étude s’appuie sur un analyse d’une littérature scientifique aussi bien récente qu’ancienne héritée des années 1970/1980 et 1990, âge d’or des études technopolitaines. La leçon s’axe ainsi sur la notion de technopôle (un) et non de technopole (une) au sens où notre terrain, dans la définition du géographe Georges Benko, ne présente pas les attraits d’un pôle urbain entraînant un développement régional et une synergie particulière entre activités de hautes technologies partout dans la ville. Montpellier est davantage constituée d’activités de haute-technologie plus localisées et spécifiques, circonscrites dans des zones bien spécifiques. L’ensemble de la leçon travaille également sur des monographies régionales majeures des années 1970, 1980, 1990 et 2000 comme « Montpellier Europole » (1988) de Roger Brunet, le célèbre « IBM : une multinationale régionale » (1977) de Henry Bakis, ainsi que le travail du géographe Jacques Fache (2002) qui a travaillé sur la spatialisation de la théorie de cycle de vie du produit de Vernon (1966) en montrant l’adaptation des espaces technopolitains à l’évolution technologique du processus de mondialisation. Certains ouvrages comme « La France inverse » de René Uhrich (1987) a permis d’établir avec les élèves la concrétisation de la notion d’héliotropisme ayant remis le sud de la France dans une trajectoire d’attractivité.

Le travail sur l’outil « Remonter le temps » profite d’un renouveau dans la politique d’exploitation des fonds photographiques et cartographiques mené par l’IGN dès 2016. Ce travail d’exploitation des données continue encore aujourd’hui à travers l’Atlas de l’anthropocène publié en 2022. Cette visionneuse-API, aussi ergonomique que simple d’utilisation, constitue pour les élèves un outil numérique apportant une vraie plus-value par rapport à l’exploitation de documents papier pour faire des analyses comparatives et ainsi instruire la compétence « Caractériser des espaces plus complexes ». De plus, cet outil a une place stratégique pour instruire des concepts récemment ajoutés aux programmes d’histoire-géographie du collège :
 le concept de transition, passage d’un état à un autre, changement systémique (ici économique) entrainant une recomposition spatiale des espaces notamment productifs ;
 mais aussi le concept plus complexe d’anthropocène, basé sur les activités extractives et productives des sociétés humaines.

Afin d’interpréter les observations spatiales faites sur « Remonter le temps », les élèves ont besoin d’un corpus documentaire contenant les informations nécessaires. Ce corpus leur est présenté sous une forme spatialisée et interactive via une carte en ligne Padlet créée par l’enseignant. Face à la tâche d’observation conséquente sur remonter le temps, et pour éviter à l’élève une multiplication de supports documentaires, l’avantage d’une carte interactive Padlet et d’un environnement étanche permet à l’élève de spatialiser rapidement les explications en mixant les types de documents. Certaines puces s’accompagnent simplement d’une photographie prises par l’enseignant pour illustrer son propos sur le terrain, d’autres puces comportent un document d’illustration du bâtiment trouvé dans des archives municipales, une autre puce encore comporte un document scientifique issu de la littérature scientifique géographique des années 1970.

Document d’accroche
Le chapitre peut commencer par deux photographies : une du Domaine de Grammont en 1960 quand le nord-est de Montpellier, maraîcher, servait uniquement à la culture de la vigne et des asperges ; puis une photographie de ce même domaine au début des années 1990, âge d’or de l’implantation de l’usine IBM à Montpellier avant la crise de la multinationale et le lancement de son plan de licenciement à Montpellier : le plan DIAMANT. Le décalage peut permettre d’émettre des hypothèses quand aux transformations de l’espace productifs et les origines de ces transformations. En ce sens le cas de IBM Montpellier est significatif puisque c’est son arrivée en 1965 qui a véritablement lancée la « belle endormie » (surnom ancien de Montpellier) dans les activités de haute technologie et qui a contribué à l’industrialisation de tout un territoire local et régional.

En préambule, l’enseignant peut définir rapidement ce qu’est un technopôle, et localiser avec une carte le parc technologique de La Pompignane au nord-est de la métropole régionale montpelliéraine et dans l’espace français. Le Parc Industriel et Technologique de La Pompignane (PIT) se situe uniquement sur le territoire communal de Montpellier, à l’est du cours d’eau du Lez qui a constitué jusqu’en 1960 une barrière naturelle au développement de Montpellier « vers la mer » à cause de ses violences crues. Aux origines, le site du PIT était la propriété exclusive de IBM Montpellier avant des cessions d’espaces et bâtiments à des sociétés privées ou des acteurs publics comme la ville de Montpellier, devenant ainsi le PIT d’aujourd’hui.

Problématique possible
La lecture problématisée du chapitre nous incite à choisir un angle d’approche permettant de placer l’élève dans une démarche intellectuelle visant à susciter sa curiosité et ressortir le sens de ce qui va être appris.

Problématique d’apprentissage du chapitre : Comment les phénomènes géographiques appelés la mondialisation et l’urbanisation changent-ils les espaces productifs à différentes échelles ?
Problématique d’apprentissage de la séance : Comment la mondialisation et l’urbanisation transforment le technopôle de Montpellier ?

Objectifs
 Principale(s) notion(s) et vocabulaires travaillé(s) : Espace productif technopôle (un) – glocalisation – marketing territorial – [innovation/déclin/reconversion/développement]

-Capacités et méthodes :
*Séance n°1 :
Nommer, localiser et caractériser des espaces plus complexes (Domaines 1, 2, 4)
S’informer dans le monde numérique : sélectionner et exploiter des informations (Domaines 1, 2, 3)
Coopérer et mutualiser : adapter son rythme de travail à celui du groupe (Domaines 2, 3)
Réaliser une production graphique et cartographique (Domaine 1, 2, 4)

*Séance n°2 :
S’initier aux techniques d’argumentation (Domaine 1, 2, 4)
Construire des hypothèses d’interprétation d’un phénomène géographique (Domaines 1, 2)

-Compétence Pix :
*Mener une recherche et une veille d’information

Démarche et mise en œuvre
L’activité sur le technopôle de Montpellier se déroule en deux séances, elle fait suite à la séance introductive et de présentation du vocabulaire de « espaces productifs » puis de « technopôle », et précède l’étude de cas sur la ZIP de Marseille :
 Séance n°1 : une activité en salle informatique, un poste informatique pour deux élèves, Annexe 1 [55 minutes]
La séance démarre avec l’ouverture de l’espace de travail collaboratif, la distribution de la fiche d’activité (une fiche pour deux élèves) et l’ouverture de deux onglets sur le navigateur : l’outil « Remonter le temps » et un Padlet préparé par l’enseignant en amont. Les deux outils sont présentés :
*Remonter le temps : outil de l’IGN créé en 2016 pour comparer des photographies d’un même lieu à plusieurs époques
*Carte sur padlet : une carte du même endroit avec une puce sur chaque bâtiment de la zone d’activité. Chaque puce comporte : un descriptif et un petit document sur ce qui s’est passé pour chaque bâtiment, de sa construction jusqu’à aujourd’hui.
L’objectif de cette séance : compléter un croquis permettant de répondre à la problématique suivante « Comment la mondialisation et l’urbanisation transforment le technopôle de Montpellier ? » 5 minutes.

Les binômes d’élèves vont ensuite se lancer dans l’exploration du PIT de La Pompignane (étape 1). Ils suivent les indications du point 2) en n’observant d’abord que les années 1950-1960. Les élèves sont censés constater qu’il n’y a qu’un mas agricole dans la zone. En observant ce mas dans le padlet, ils comprennent qu’il s’agit d’une activité agricole de culture de la vigne (Domaine de Grammont). Le binôme complète la légende de son croquis. 10 minutes

Les binômes d’élèves comparent ensuite les années 1950-1960 avec les années 2006-2010. Ils constatent en observant le padlet qu’une usine de fabrication de gros ordinateurs (IBM) a remplacé la zone agricole, que la Mairie a lancé une grande opération de marketing territorial autour de la venue d’IBM, a attiré des entreprises comme DELL et des fonds comme ceux de l’Union européenne. Les élèves constatent que l’espace productif est dédié à des activités à dominante industrielles et complètent le 2e calque du croquis (années 2006-2010). 20 minutes

Les binômes d’élèves comparent enfin les années 2006-2010 avec aujourd’hui. Ils constatent que des bâtiments de l’usine IBM Montpellier ont été détruits, que de nouveaux bâtiments ont été construits (Orange, Ubisoft, Parc d’activité numérique innovante Eurêka) et de terres agricoles arables ont été grignotées par l’étalement urbain dû à l’urbanisation et la croissance des espaces productifs technologiques. En observant le Padlet, ils constatent que des bâtiments IBM sont détruits parce que les activités de construction d’ordinateurs géants et de reconditionnement ont été localisées en Asie et en Europe de l’est, que le reste des activités d’IBM se sont adaptées en innovant dans le cloud (hébergement de données) et l’analyse de données avec un laboratoire et une université. Ils constatent aussi que l’arrivée de nouvelles entreprises. Au final, ils comprennent que face au déclin industriel de la haute technologique et à la concurrence internationale, face aux commandements de grandes sociétés supprimant des activités à La Pompignane, l’espace productif montpelliérain a innové pour s’adapter et continuer à se développer, en se réorientant dans les activités innovantes et de service. Ils complètent le 3e calque du croquis (aujourd’hui). 20 minutes

Au final, les binômes obtiennent un croquis multi-temporel aux strates de temps rangées dans trois parties, trois papiers-calques temporels différents. Au final : les dynamiques d’évolutions de l’espace productif sont visibles sur trois calques agrafés les uns avec les autres au dessus du croquis, sur la fiche de l’élève.

 Séance n°2 : une activité en salle de classe standard, Annexe 1 [55 minutes]
Après avoir photocopié en couleur chaque fiche d’activité pour la donner au 2e membre du binôme, les croquis ont été corrigés puis redistribués. La séance démarre avec la découverte d’une nouvelle notion : la glocalisation. Le principe consiste à recomposer le mot à partir d’une description sommaire du processus. 5 minutes

Le croquis est ensuite repris en classe entière afin de réexpliquer les évolutions de l’espace productif de La Pompignane. 10 minutes

Les 40 minutes suivantes servent à instruire l’étape 2 de la fiche d’activité : rédiger un rapport pour le Maire de Montpellier afin de décrire « L’évolution du technopôle de La Pompignane à Montpellier. » La tâche travaillée était celle du développement construit. Pour ce faire, l’ensemble du brouillon sera cadré par : la grille d’auto-évaluation, et les idées et exemples contenus dans le croquis complété et corrigé.

 Temps imparti : 2 séances de 55 min.
*Séance n°1 : Travail sur le croquis du technopôle de Montpellier
Connexion et consigne [5 min]
Observation et analyse du site en 1950-1965, partie 1 du croquis complétée [10 min]
Comparaison du site en 1950-1965 avec 2006-2010 , partie 2 du croquis complétée [20 min]
Comparaison du site en 2006-2010 avec Aujourd’hui , partie 3 du croquis complétée [20 min]

*Séance n°2 : Travail sur le rapport pour le maire de Montpellier (développement construit)
Reprise du croquis, des trois temps d’évolution du technopôle et explication de la consigne [10 min]
Brouillon individuel à partir du croquis complété : Introduction, développement, conclusion avec une prévision [40 min]
Mise au propre à la maison, rendu puis évaluation

Bilan des séances observées face élèves (Annexe 3)
 Séance n°1 : Les allers-retours entre « Remonter le temps » et le Padlet ont bien fonctionné, le travail en binôme a permis la mutualisation de l’attention et des observations afin de produire des croquis pertinentes et enrichis. (Annexe 3, pp. 1-2)
 Séance n°2 : La réalisation du développement construit sous la forme d’un rapport au Maire de Montpellier a permis de faire sens et de se réapproprier le travail de tâche graphique réalisé lors de la séance précédente. Un exemple d’écris réalisé par un élève (Annexe 3, pp. 2-4) montre un travail d’écriture réflexive, de réappropriation des notions et évolutions étudiées. En témoigne les éléments de constat sur un exemple de copie :
1) Appropriation d’un lieu, même orthographié imparfaitement, pour illustrer l’idée générale de la première partie du développement : une activité d’abord agricole et maraîchère ;
2) Appropriation de la notion de rôle d’un acteur économique, avec la réappropriation du terme « commandement » dans la phrase « décision de ibm etats-unis » ;
3) Réappropriation d’une des anciennes activités d’IBM Montpellier, en utilisant le mot « recyclage » au lieu de « reconditionnement » ;
4) Réappropriation de la notion de production de richesses par un espace productif avec l’utilisation de la phrase « le technopole et la ville sont devenus riches » ;
5) Réappropriation du vocabulaire « Marketing territorial » avec l’utilisation du mot « pub » ;
6) Rédaction de la troisième partie du développement avec une phrase très longue sans presque de ponctuation, signe que l’élève a une écriture réflexive et active ;
7) La prévision formulée en conclusion du développement construit pour le technopôle de Montpellier témoigne d’une compréhension forte des enjeux au niveau de l’élève puisqu’il y intègre les évolutions les plus récentes de l’espace productif montpelliérain, axé sur les services et l’innovation.

Au final, la grille d’auto-évaluation laisse présager de l’élève une bien meilleure maîtrise des compétences, des vocabulaires et des notions attendues que ce qu’il avait espéré (Annexe 3, p. 2).

Bibliographie spécialisée sur les espaces technopolitains, sur les caractéristique d’IBM pendant 50 ans, sur les dynamiques d’innovation spécifiquement sur Montpellier et le sud de la France, et enfin le processus d’héliotropisme :
BAKIS H. (1977), I.B.M. : Une multinationale régionale, Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, 205 p.
BAKIS H., BONNET N. et VEYRET A. (2000), « Montpellier Méditerranée Technopole : le développement de Centre d’Appels Téléphoniques (IBM, Dell Computers et France Telecom Mobiles Services) », Netcom Networks and Communication Studies, vol. 14, n° 3-4, pp. 283-302.
BENKO G. (1991), Géographie des technopôles, Masson, Paris, 223 p.
BRUNET R. (1988), Montpellier Europole, G.I.P. RECLUS, Montpellier, 315 p. 18 cartes et fig.
FACHE J. (2002), Les territoires de la haute technologie : éléments de géographie, DIDACT Géographie, 160 p.
GEIGER J.-L. (1997), La route des hautes technologies, Edisud, 222 p.
MANEY K., HAMM S. et O’BRIEN J. M. (2011), Au service d’un monde meilleur : les idées qui ont façonné une entreprise et son siècle, Pearson, 352 p.
UHRICH R. (1987), La France inverse ? Les régions en mutation, Economica, Paris, 390 p.

Ouvrage généraliste :
LEVY J. et LUSSAULT M. (dir.)(2013), Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés, Belin, Paris, 1128 p.

Webographie

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/technopole